Aurélien Delaunay, Directeur du Laboratoire Français de Gemmologie (LFG)
Les laboratoires d’analyses gemmologiques existent depuis longtemps. Les professionnels du métier se sont vite rendu compte qu’ils avaient besoin de la science pour se prémunir d’éventuelles confusions avec l’arrivée sur le marché des perles de culture et pierres de synthèse.
Le besoin est toujours d’actualité car la mentalité des consommateurs a évolué vers le commerce éthique, la traçabilité des gemmes, le besoin d’un rapport d’analyse réalisé dans un laboratoire d’analyses gemmologiques.
La demande d’analyses étant accrue, des laboratoires ont vu le jour partout dans le monde, sur les zones de marché (Thaïlande, Sri Lanka, etc.) ainsi que sur les zones de consommation (Chine, Inde, Europe, Amérique, etc.). Mais comment se crée un laboratoire et quelle confiance le consommateur peut-il avoir ?
N’importe qui peut décider, du jour au lendemain, d’ouvrir son laboratoire. Il suffit d’avoir un peu d’argent (beaucoup si le souhait est d’avoir toutes les technologies nécessaires) et un diplôme de gemmologue (se pose la question de l’institut délivrant la formation ; plutôt classique ou scientifique ? ; une expérience de laboratoire suffit-elle ?). Aucune autorité n’existe pour contrôler le sérieux des laboratoires gemmologiques. En résulte de grandes différences d’instrumentation, de procédures d’analyses, d’expérience des gemmologues, qui créent de véritables écarts dans l’analyse des gemmes. Le client aura cependant l’impression de recevoir le même résultat dans tous ces laboratoires : un rapport d’analyse. Au vu de ces écarts de procédures, les informations sur les rapports varient. Les conclusions peuvent également être différentes car plusieurs indications sont des opinions fondées sur des données scientifiques.
Comment éduquer les clients sur ces différences ? Certaines données devraient toujours être les mêmes : dimensions, masse… Mais comment ont-elles été acquises ? Avec quels instruments ? Sont-ils calibrés par un organisme indépendant ? L’environnement de travail (température, hygrométrie) est-il contrôlé ? Quelles sont les incertitudes de mesure ? Toutes ces données influencent le résultat, sans parler des cas particuliers comme les opales hydrophanes…
Chaque laboratoire se dote d’équipements (ou pas) permettant d’arriver à une conclusion (certains gemmologues indépendants donnent une conclusion sans faire d’analyse instrumentale). Tous ces instruments acquièrent des mesures, des données qui dépendent de paramètres déjà évoqués (résolution, environnement, connaissance de l’instrument, technicien opérateur, etc.). Là encore, des incertitudes sont à prendre en compte. Les analyses effectuées sont-elles valides et validées par un tiers (toute la question de l’importance de l’équipe de gemmologues expérimentée est là).
Prenons un exemple simple : la couleur d’un diamant. Sous quelle lumière la pierre est-elle observée ? Cette question est primordiale car la qualité de l’illuminant va influencer fortement la perception de la couleur. A quoi est comparée la pierre du client ? Une série de pierres étalons en diamant, des oxydes de zirconium synthétiques, ou rien ? Combien de personnes vont grader la pierre pour moyenner les couleurs observées ? Tout ceci évidement dans un souci d’impartialité (d’où l’importance d’une équipe de gemmologues expérimentés…).
Toutes ces questions doivent nous amener à une réflexion profonde sur notre métier. Quelles sont les attentes des clients ? Ont-ils besoin de conseils ou d’un rapport scientifiquement abouti ? Ont-ils besoin d’un document formaliste, bien charté, « qui en jette » ? Achètent-ils le nom d’un laboratoire connu, peu importe que l’analyse soit faite en Thaïlande, en Suisse, en France, aux USA ; avec les différences d’équipements, d’équipes et de procédures qui en découlent?
Il existe en revanche des normes internationales, posant les bases des obligations de tous les types de laboratoires, qui ne peuvent être remises en cause. La norme internationale ISO 17025 indiquent toutes les exigences générales concernant la compétence des laboratoires d’essais (comme le sont les laboratoires d’analyses gemmologiques). La norme internationale concernant la gradation des diamants est nommée ISO 24016. Ces textes sont des bases importantes sur les exigences instrumentales et de qualification des équipes. Chaque pays a son organisme d’accréditation indépendant. En France, il s’agit du COFRAC (Comité Français d’Accréditation) ; en Suisse, il s’agit du SAS (Service d’Accréditation Suisse), etc. En parallèle, les laboratoires peuvent également être certifiés RJC (Responsible Jewellery Council), ISO 9001… Toutes ces certifications et accréditations sont des bases de réflexion en attendant un organisme régulateur indépendant et international validant ou non l’ouverture d’un laboratoire.
Toutes ces certifications et accréditations sont des gages de confiance et de sécurité pour les consommateurs. Mais elles ne suffisent pas à faire d’un laboratoire, un laboratoire compétent. Ce sont les gemmologues, les procédures d’analyses, le matériel et les certifications qualifiant sa bonne utilisation, qui donnent aux laboratoires ses lettres de noblesse et sa reconnaissance scientifique. L’ancienneté d’un laboratoire est également un critère important car l’expérience acquise, les données de référence accumulées, sont des forces dans l’analyse des gemmes.
Il faut donc sensibiliser les clients et les consommateurs face aux différences tarifaires existantes, représentatives des différences d’analyse entre les laboratoires. L’information est la base de tout. Si vous êtes informés, vous utiliserez les laboratoires en connaissance de cause et en fonction de vos besoins réels.